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LE PÊCHEUR, TRADUIT DE GOETHE. Le fleuve s’enfle , et l’eau profonde Dans le sable a brisé ses flots. Un pêcheur, sur les bords de l’onde, S’assied et contemple en repos Son hameçon et sa ligne légère , Qui vont chercher le poisson dans les eaux Mais l’onde paisible et claire, A ses regards toup à coup s’entr’ouvrant, Lui laisse voir la nymphe humide Qui, sur son lit frais et limpide, Et se balance et se plaint doucement. Elle lui parle , elle lui chante : L’esprit de l’homme est si noble et si fort ; Doit-il user d’une ruse méchante Pour attirer mes enfants à la mort ? L’air brûlant bientôt les dévore ; Laisse-les respirer encore Dans la fraîcheur et le repos. Si tu pouvais jamais comprendre Quel calme on goûte dans les flots. Toi-même tu voudrais descendre Au fond de mes tranquilles eaux. Le soleil , qui charme le monde , S’est rafraîchi dans mon sein ; Et la lune , au regard serein , Aime à s’endormir dans l’onde. Du ciel , répété dans les eaux , L’azur brillant et limpide Attire-t-il ton pied timide ? Veux- tu partager mon repos ? Vois-tu l’éternelle rosée Qui peint et réfléchit les traits ? Viens , quitte la rive embrasée, Les flots sont si purs et si frais ! Le fleuve s’enfle , et l’eau profonde A mouillé le pied du pêcheur ; Et son cœur , attiré par l’onde, Éprouve un trouble séducteur. Ainsi, de sa douce amie. Il recevrait le salut enchanteur. La nymphe et lui parle et le prie ; Bientôt le pécheur est perdu. Soit qu’un charme secret l’enivre. Soit que lui-même il se livre. On ne Ta jamais revu.


LA FÊTE DE LA VICTOIRE

ou le Retour des Grecs

traduit de schiller

I

Il est tombé, l’empire du Troyen ;
Du vieux Priam le palais est en cendre :
Ivres de gloire, et chargés de butin,
Le chœur des Grecs se fait entendre.
Assis sur les bancs des vaisseaux
Qu’enchaîne encor la mer Pontide,
Ils invoquent le vent rapide
Qui vers la Grèce entraînera les flots.

LE CHŒUR

Célébrez votre noble ivresse,
Chantez l’hymne, braves guerriers ;
Vos vaisseaux regardent la Grèce,
Vous retournez dans vos foyers.

II

Plus loin est la bande captive
Des femmes troyennes en pleurs,
Le front prosterné sur la rive,
Frappant leur sein plein de douleurs.
Pâles, sombres, traînant les chaînes,
Aux fêtes des vainqueurs elles mêlent leurs cris :
Elles pleurent leurs propres peines
Sur les cendres de leur pays.

CHŒUR DES CAPTIVES

Adieu donc, ô terre chérie !
Bien loin de toi, sur ces vaisseaux,
Des maîtres étrangers entraînent notre vie.
Heureux les morts ! ils dorment en repos.


III

Le feu divin du sacrifice
Est préparé par les mains de Calchas :
Il invoque sa protectrice,
Pallas, qui fonde et détruit les États ;
Neptune, qui donne à la terre
La vaste ceinture des mers,
Et le dieu maître du tonnerre,
L’épouvante des cœurs pervers.

LE CHŒUR

La longue lutte est terminée,
Le cercle du temps est rempli ;