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HENRY ET EMMA.


compte de mon admiration ; et faut-il que la douleur de sa perte s’attache à l’idée dominante de ma vie ! IMais c’est assez parler de soi, et le malheur même n’a pas ce droit si longtemps. Je me suis imposé d’écrire cet éloge avec modération ; j’ai payé ce tribut à l’injustice, non pour qu’elle m’épargnât , mais pour qu’elle laissât en paix la mémoire de M. de Guibert. Quelques louanges échappées à l’amitié, un éloge fait par moi, n’exciteront point l’envie ; et tout le monde peut intéresser par le tableau des persécutions dont M. de Guibert fut la victime. Je veux que ce récit inspire la pitié, oui, la pitié ; ce sentiment n’est pas incompatible avec l’admiration ; quelque chose d’auguste se mêle à l’impression qu’on éprouve en contemplant le spectacle du génie aux prises avec l’infortune. C’est un chêne courbé par les vents , c’est la nature abandonnant le plus beau de ses ouvrages. Enfin , si le malheur ne suffit pas pour apaiser la haine, qu’elle s’arrête du moins au nom sacré de la mort. Celui qu’elle poursuivait n’est plus ; mais son ombre peut - être erre encore dans ces lieux pour y suivre sa mémoire. Vous avez eu sa vie ; abandonnez -nous son souvenir, vous qui ne redoutiez sans doute que ses succès, et l’obstacle qu’il pouvait mettre aux vôtres. Laissez *le juger maintenant : il ne s’agit plus pour lui que du t’iste empire des tombeaux.

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TRADUCTION DU SONNET DE MINZONI

SUR LA MORT DE JESUS CHRIST


 
Quand Jésus expirait, à ses plaintes funèbres,
Le tombeau s'entr'ouvrit, le mont fut ébranlé.
Un vieux mort l'entendit dans le sein des ténèbres ;
Son antique repos tout à coup fut troublé.
C'était Adam. Alors, soulevant sa paupière,
II tourne lentement son œil plein de terreur,
Et demande quel est, sur la croix meurtrière,
Cet objet tout sanglant, vaincu parla douleur.
L'infortuné le sut, et son pâle visage,
Ses longs cheveux blanchis et son front sillonné,
De sa main repentante éprouvèrent l'outrage.
En pleurant il reporte un regard consterné
Vers sa triste compagne, et sa voix lamentable
Que l'abîme, en grondant, répète au loin encor,
Fit entendre ces mots : Malheureuse coupable,
Ah ! pour toi j'ai livré mon Seigneur à la mort.



TRADUCTION

DU SONNET DE FILICA.TÂ,

SUR L’ITALIE.

Italie , Italie , ah ! quel destin perfide Te donna la beauté, source de tes malheurs ? Ton sein est déchiré par le fer homicide, Tu portes sur ton front l’empreinte des douleurs. Ah ! que n’es-tu moins belle, ou que n’es-tu plusforte ! Inspire plus de crainte ou donne moins d’amour. De l’étranger jaloux la perfide cohorte ]M’a feint de t’adorer que pour t’ôter le jour. Quoi ! verra-t-on toujours descendre des~^montagnes Ces troupeaux de Gaulois, ces soldats effrénés, Qui du Tibre et du Pô, dans nos tristes campagnes. Boivent l’onde sanglante et les flots enchaînés ? Verra-t-on tes enfants, ceints d’armes étrangères, Des autres nations seconder les fureurs ; Et, ne marchant jamais sous leurs propres bannières, Combattre pour servir, ou vaincus, ou vainqueurs ? HENRY ET EMMA,

C UXADE IMITÉK DE PRIOR.

Je ne sais ce qu’il faut en croire, Mais aux femmes , depuis longtemps , On a reproché, dit l’histoire, Des cœurs légers et peu constants. Or, écoutez donc l’aventure

De cette fille aux bruns cheveux , Dont l’âme courageuse et pure

A brûlé des plus nobles feux.

Son amant vient, frappe et l’éveille Au funeste coup de minuit.

Descends, dit-il, chacun sommeille ; Ouvre-moi ta porte sans bruit. Il faut nous quitter, chère amie ; Las ! je vais fuir bien loin de toi , Car le juge a livré ma vie

Au fer barbare de la loi.

Ta peine est à moi , lui dit-elle , Ami, je te suivrai toujours ;

Qu’un antre éloigné nous recèle , Au désert même ayons recours.

Si la fortune mensongère

En un jour change notre sort ,