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LE PRINCE.

De plus, ils employaient toutes sortes de moyens pour s’épargner à eux-mêmes, ainsi qu’à leurs soldats, toute fatigue et tout danger : ils ne se tuaient point les uns les autres dans les combats, et se bornaient à faire des prisonniers qu’ils renvoyaient sans rançon ; s’ils assiégeaient une place, ils ne faisaient aucune attaque de nuit ; et les assiégés, de leur côté, ne profitaient pas des ténèbres pour faire des sorties : ils ne faisaient autour de leur camp ni fossés, ni palissades ; enfin ils ne tenaient jamais la campagne durant l’hiver. Tout cela était dans l’ordre de leur discipline militaire ; ordre qu’ils avaient imaginé tout exprès pour éviter les périls et les travaux, mais par où aussi ils ont conduit l’Italie à l’esclavage et à l’avilissement[1].



CHAPITRE XIII.


Des troupes auxiliaires, mixtes et propres.


Les armes auxiliaires que nous avons dit être également inutiles, sont celles de quelque État puissant qu’un autre État appelle à son secours et à sa défense. C’est ainsi que, dans ces derniers temps, le pape Jules II ayant fait, dans son entreprise contre Ferrare, la triste expérience des armes mercenaires, eut recours aux auxiliaires et traita avec Ferdinand, roi d’Espagne, pour que celui-ci l’aidât de ses troupes.

  1. L’idée de substituer des troupes nationales aux troupes mercenaires a été longuement développée par Machiavel, dans les livres I et II de son traité sur l’Art de la guerre. On peut voir pour l’appréciation de notre auteur, comme tacticien, le colonel Carion-Nisas : Essai sur l’histoire de l’art militaire, Paris, 1824, chap. II, de Machiavel considéré comme écrivain militaire et observateur de l’état de l’Europe, sous le rapport de la guerre, au sortir du moyen âge. Le comte Algarotti, ami de Frédéric II, a aussi composé un ouvrage sur les Sept livres de l’art de la guerre.