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CHAPITRE XII.

temporel, elle se divisa en un grand nombre d’États. Plusieurs grandes villes, en effet, prirent les armes contre leurs nobles, qui, à l’ombre de l’autorité impériale, les tenaient sous l’oppression, et elles se rendirent indépendantes, favorisées en cela par l’Église, qui cherchait à accroître le crédit qu’elle avait gagné. Dans plusieurs autres villes, le pouvoir suprême fut usurpé ou obtenu par quelque citoyen qui s’y établit prince. De là s’ensuivit que la plus grande partie de l’Italie se trouva sous la dépendance, et en quelque sorte sous la domination de l’Église ou de quelque république ; et comme des prêtres, des citoyens paisibles, ne connaissaient nullement le maniement des armes, on commença à solder des étrangers. Le premier qui mit ce genre de milice en honneur fut Alberigo da Como, natif de la Romagne : c’est sous sa discipline que se formèrent, entre autres, Braccio et Sforza, qui furent, de leur temps, les arbitres de l’Italie, et après lesquels on a eu successivement tous ceux qui, jusqu’à nos jours, ont tenu dans leurs mains le commandement de ses armées ; et tout le fruit que cette malheureuse contrée a recueilli de la valeur de tous ces guerriers, a été de se voir prise à la course par Charles VIII, ravagée par Louis XII, subjuguée par Ferdinand, et insultée par les Suisses.

La marche qu’ils ont suivie pour se mettre en réputation a été de décrier l’infanterie. C’est que, d’un côté, un petit nombre de fantassins ne leur aurait point acquis une grande considération, et que, de l’autre, ne possédant point d’état, et ne subsistant que de leur industrie, ils n’avaient pas les moyens d’en entretenir beaucoup. Ils s’étaient donc bornés à avoir de la cavalerie, dont une médiocre quantité suffisait pour qu’ils fussent bien soldés et honorés : par là, les choses en étaient venues au point que, sur une armée de vingt mille hommes, il n’y en avait pas deux mille d’infanterie.