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doutez pas, tout ce qui est autour de nous doit finir, parce que tout ce qui existe autour de nous est injuste. » Quelle est la conclusion de l’homme qui demande l’égalité et la vertu au milieu des débris de la monarchie ? « Je conclus, dit Machiavel, que l’homme qui veut faire une république là où il y a beaucoup de gentilshommes ne pourra réussir, si auparavant il ne tue tous les gentilshommes. » De là l’organisation de la terreur. La forme gréco-romaine de Machiavel se manifeste avec la république. La France s’appelle la patrie, le toi antique reparait, le salut public de l’ancienne république organise son comité. . . . . . .

Napoléon s’empara de la dictature qui avait échappé à Robespierre. Qu’est-ce que Napoléon ? Qu’on interroge Machiavel. C’est la décision, c’est l’audace irrésistible ; c’est le général qui marche sur la patrie au moment où il vient de remporter ses victoires ; c’est le condottiere qui prévient, par la promptitude, le soupçon de la république, qui, d’après Machiavel, aurait dû être ingrate, d’après Sieyès aurait dû le faire fusiller. « Pour rendre le peuple paisible et obéissant au bras royal (je copie Machiavel), il juge nécessaire de lui donner un bon gouvernement… Il se fait aimer et craindre par les populations, suivre et vénérer par les soldats ; il étouffe ceux qui peuvent l’offenser ; il est sévère et reconnaissant, magnanime et libéral[1]. » — Quels sont ses conseillers ? « Des hommes éclairés, dit Machiavel ; il leur donne le franc-parler, mais seulement quand il les interroge ; il les interroge sur tout, mais il délibère toujours de son chef. Une fois la détermination prise, elle est irrévocable[2]. » C’est là le prince nouveau, c’est là Napoléon ; quels sont ses hommes ? « Ce sont des hommes qu’il élève, dit Machiavel, qu’il enrichit, et qu’il oblige en les associant à son élévation ; ils relèvent si exclusivement de lui, que, pour se maintenir, ils doivent toujours songer à lui et à jamais à leur propre intérêt[3]. » Quel sera le rôle de Napoléon ? Il est déterminé par la situation, et Machiavel consacre quatre chapitres à cette situation[4]. Napoléon paraît au milieu d’un peuple habitué à la principauté et devenu tout à coup libre. « Rien n’est plus difficile, dit Machiavel, que de défendre cette république. Ses hommes sont entourés d’ennemis, c’est-à-dire

  1. Prince, ch. 7.
  2. Prince, chapitre 23.
  3. Prince, chap. 17.
  4. Disc. sur les Décades de Tite-Live, l. 1, ch. 16-18, 55.