citoyen ? Il est contre la nature humaine, dit Machiavel, qu’on se résigne à tomber de si haut. Voilà le roi, la noblesse et le clergé qui risquent tout pour se défendre ; ils appellent l’étranger : il marche sur Paris. Pour vaincre une pareille opposition, poursuit Machiavel, il n’y a que le fer. L’indignation de la France obéit à Machiavel : de là les journées de septembre. Danton regarde son crime en face, et il le commet. Pour rendre la France libre, s’écrie Marat, il faut abattre cinq cent mille têtes. — Chalier demande à poignarder vingt mille Lyonnais. — Lanssel veut que tout le monde soit bourreau. — Tous répètent que notre mémoire périsse et que la patrie soit sauvée ; c’est le mot de Machiavel, il faut que la patrie soit sauvée avec gloire ou avec infamie. Ouvrons Marat. « Il s’agit, dit-il, du salut du peuple ; devant cette loi suprême, toutes les autres doivent se taire, et pour sauver la patrie tous les moyens sont bons, tous les moyens sont justes, tous les moyens sont méritoires[1]. » Ouvrons Machiavel : « Quand il s’agit du salut de la patrie, écrit-il, il n’y a ni justice ni injustice, ni pitié ni cruauté, ni éloge ni honte ; ce sont là des considérations qu’il faut sacrifier[2]. » Toute la révolution se développe à travers le grand dilemme de Machiavel ; à chaque phase c’est toujours l’alternative de la monarchie et de la république qui se présente ; d’après Machiavel il faut être républicain ou tyran, point de milieu ; si l’on veut réussir, point de demi-mesure, il faut de la décision et de la hardiesse. Tous les hommes de la révolution ne cessent de répéter qu’il faut de l’énergie, du courage, de la foi. Il faut de l’audace, dit Danton, encore de l’audace, toujours de l’audace. Le roi ne sait être ni citoyen, ni tyran, et il tombe ; la Gironde tergiverse, et elle glisse dans le sang ; Danton hésite à son tour, et sa tête tombe. La révolution seule marche droit et toujours, et la république triomphe. Le passage de la monarchie à la république, avait dit Machiavel, n’est que le passage de l’inégalité à l’égalité, de la corruption à la probité : c’est là l’idée qui domine tous les hommes de la révolution. « Nous n’avons d’autres ennemis, dit Saint-Just, que les riches et les vicieux. Il faut faire une ville nouvelle ; il faut faire comprendre que le gouvernement révolutionnaire n’est que le passage du mal au bien, de la corruption à la probité, des mauvaises maximes aux maximes honnêtes ; n’en
Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/607
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.