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fussent assez lâches ou assez imprudents pour leur abandonner la patrie.

Lorsqu’en 1508 les Florentins allèrent mettre le siége devant Pise, Alfonso del Mutolo, habitant de cette ville, tomba entre les mains des ennemis. Il promit, si l’on voulait lui rendre la liberté, de livrer une des portes de la ville à l’armée de Florence : il fut délivré. Pour pratiquer ensuite cette trame, il vint plusieurs fois au camp s’entretenir avec les délégués des commissaires : il ne venait jamais en secret, mais toujours publiquement, et accompagné de plusieurs de ses concitoyens, qu’il laissait à l’écart toutes les fois qu’il parlait avec les Florentins. Il était aisé de voir dans cette conduite toute la duplicité de son âme ; car il n’était pas probable, si cette pratique avait été fidèle, qu’il eût mis tant de publicité dans ses démarches. Mais le désir de s’emparer de Pise aveugla tellement les Florentins, que, se laissant conduire par lui à la porte de Lucques, ils y perdirent honteusement une foule de chefs et de soldats, victimes de la double trahison d’Alfonso.


CHAPITRE XLIX.


Une république qui veut conserver sa liberté a besoin chaque jour de mesures nouvelles. Quels sont les services qui méritèrent à Quintius Fabius le surnom de Maximus ?


C’est une nécessité, comme je l’ai dit autrefois, qu’il survienne chaque jour dans une cité des accidents qui aient besoin du médecin, et qui, suivant qu’ils sont plus graves, exigent une main plus habile. Si jamais cité vit naître de pareils accidents, c’est surtout dans Rome qu’ils furent inouïs et imprévus : comme lorsqu’on découvrit que toutes les femmes romaines avaient formé le complot de faire périr leurs maris ; tant on en trouva