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Marc ; méprisant l’Église, trouvant l’Italie trop resserrée pour eux, et s’abusant jusqu’à vouloir obtenir une domination aussi vaste que celle des Romains. Mais lorsque le sort les eut abandonnés et que le roi de France les eut à demi battus à Vaila, non-seulement ils perdirent tout l’État par la révolte, mais ils en abandonnèrent une grande partie au pape et à l’Espagne, par lâcheté et bassesse de courage. Ils poussèrent même l’abjection au point d’envoyer des ambassadeurs à l’empereur, pour s’offrir à lui comme tributaires ; et les lettres qu’ils écrivirent au pape, pour exciter sa pitié en leur faveur, sont des monuments de honte. Ainsi, quatre jours et une demi-défaite suffirent pour les plonger dans cette ignominie. Leur armée, après un premier combat, fut obligée, en faisant sa retraite, d’en livrer un nouveau, dans lequel la moitié des troupes à peu près furent battues ; l’un des provéditeurs prit la fuite avec le reste, et ramena dans Vérone plus de vingt-cinq mille hommes, tant d’infanterie que de cavalerie ; de sorte que, s’il y avait eu dans Venise et dans ses institutions quelque ombre de vertu, elle eût pu facilement réparer ce désastre, montrer de nouveau le front à la fortune et se trouver encore en état de vaincre, ou de succomber avec gloire, ou d’obtenir des conditions moins déshonorantes. Mais la lâcheté de ses citoyens, produite par les vices de ses institutions, en ce qui concernait la guerre, lui fit perdre à la fois et la puissance et le courage.

Tel est le sort qui attend tous ceux qui se comporteront de la sorte ; parce que cette insolence dans la bonne fortune et cette bassesse dans l’adversité naissent de la manière de vivre et de l’éducation que l’on a reçue ; éducation qui, si elle est lâche ou frivole, produit des hommes qui lui ressemblent, mais qui, si elle est différente, donne également des hommes différents, et, en leur procurant une connaissance plus vraie des