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Une autre chose digne de remarque est l’ordre qu’établit Camille au dedans et au dehors pour la défense et le salut de Rome. Sans doute ce n’est pas sans dessein que les historiens éclairés, tels surtout que Tite-Live, sont entrés dans les détails de certains événements ; c’était afin que les descendants pussent apprendre par des exemples la manière dont ils ont à se défendre en de pareilles circonstances. On doit remarquer dans ce texte que la défense qui offre le plus de danger et le moins d’utilité est celle où tout se fait avec désordre et précipitation : c’est ce que démontre surtout cette troisième armée que Camille fit lever pour rester dans Rome à la garde de la cité. Un grand nombre regarderait et regarde peut-être encore cette disposition comme tout à fait superflue chez un peuple belliqueux et toujours sous les armes, par cette raison qu’il paraissait inutile de faire des enrôlements, et qu’il suffisait d’armer les citoyens quand le besoin s’en ferait sentir.

Mais Camille, comme l’eût fait tout autre général aussi expérimenté, pensa au contraire qu’il ne faut jamais permettre à la multitude de prendre les armes sans un certain ordre et quelques précautions. Ainsi, d’après cet exemple, tout chef préposé à la défense d’un État doit éviter, comme un écueil funeste, d’armer tumultueusement le peuple : il faut qu’il choisisse et qu’il désigne d’abord les hommes qu’il veut appeler sous les armes, les chefs auxquels ils doivent obéir, le poste où ils se réuniront, celui où ils doivent se rendre, et ordonner à ceux qui ne doivent point marcher de se tenir dans leurs maisons, pour veiller à leur défense. Ceux qui, dans une ville assiégée, se conformeront à cette conduite parviendront facilement à se défendre ; celui qui agirait d’une manière opposée n’imitera point Camille, et ne se défendra pas.