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pour ceux dont les actions étaient utiles au public ces triomphes et tous ces autres honneurs qu’elle prodiguait à ses citoyens ; tandis qu’elle avait établi les accusations contre ceux qui, sous divers prétextes, cherchaient à s’agrandir par leurs actions privées. Et, lorsque ces accusations ne suffisaient pas pour dessiller les yeux du peuple, aveuglé par l’apparence d’un faux bien, elle avait institué le dictateur, dont le bras royal faisait rentrer dans les bornes celui qui s’en était écarté ; comme on voit qu’elle le fit pour punir Spurius Melius. Une seule action de cette espèce, demeurée impunie, est capable de renverser une république, parce qu’il est difficile, après un tel exemple d’impunité, de remettre l’État dans sa véritable route.


CHAPITRE XXIX.


Les fautes des peuples naissent des princes.


Que les rois ne se plaignent plus d’aucune des fautes que commet un peuple dont le gouvernement leur est confié ; car elles ne proviennent jamais que de leur négligence ou de ce qu’eux-mêmes sont entachés des mêmes erreurs. Si l’on parcourt l’histoire des peuples qui de nos jours se sont signalés par leurs rapines et d’autres vices semblables, on verra que tout est né de ceux qui gouvernaient, et dont le caractère était semblable au leur.

La Romagne, avant que le pape Alexandre VI y eût détruit cette foule de seigneurs qui y commandaient, offrait l’exemple de toutes les scélératesses : la plus légère cause servait de prétexte aux assassinats et aux plus affreux brigandages. Ces désordres avaient leur source dans la méchanceté des princes, et non dans la corruption des peuples, comme ils osaient l’avancer, parce que ces princes, quoique pauvres, voulaient vivre