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En réfléchissant aux remèdes qu’on pourrait opposer à ce désordre, on en trouvera deux : le premier est de maintenir les citoyens dans la pauvreté, afin que les richesses, sans la vertu, ne puissent corrompre ni eux ni les autres ; le second est de diriger toutes les institutions vers la guerre, de manière à y être toujours préparé, et à sentir sans cesse le besoin d’hommes habiles, comme le fit Rome dans les premiers temps de son existence. L’habitude d’avoir toujours une armée en campagne donnait place sans cesse au courage des citoyens ; on ne pouvait alors ravir à nul d’entre eux le grade qu’il avait mérité, pour le donner à celui qui ne le méritait pas : si cela avait lieu, ou par erreur, ou pour tenter un essai, il en résultait bientôt pour la république des désordres si grands ou de si grands périls, que l’on rentrait bien vite dans le véritable chemin.

Mais les républiques, dont les institutions ont un autre esprit, et qui ne font la guerre que quand la nécessité les y contraint, ne peuvent se mettre à l’abri de cet inconvénient ; au contraire, elles semblent s’y précipiter ; et l’on verra toujours naître le trouble dans leur sein, si le citoyen courageux qu’on néglige est vindicatif, ou s’il possède dans l’État des relations et du crédit. Si Rome sut se défendre pendant longtemps de cet abus, à peine eut-elle vaincu Carthage et Antiochus, que, n’ayant plus rien à redouter de la guerre, elle crut pouvoir également confier le commandement des armées à tous ceux qui le briguaient, moins déterminée par leur valeur que par les autres qualités qui pouvaient leur mériter la faveur du peuple. Paul Émile s’était mis plusieurs fois sur les rangs pour obtenir le consulat ; il avait toujours été rejeté ; mais aussitôt que la guerre de Macédoine eut éclaté, il obtint tous les suffrages, et on lui en confia la conduite d’un consentement unanime, tant cette guerre semblait périlleuse.

Depuis 1494, la ville de Florence avait eu de nom-