portèrent d’une expédition que la valeur seule des troupes empêcha de devenir funeste.
En conséquence, les Romains, s’apercevant de leur imprudence, eurent recours à la création d’un dictateur, afin que la présence d’un seul chef rétablît l’ordre que trois avaient troublé. Cet exemple démontre l’inutilité de plusieurs commandants dans une armée ou dans une ville obligée de se défendre ; et Tite-Live ne peut s’expliquer plus clairement à ce sujet, qu’en écrivant ces paroles : Tres tribuni potestate consulari documente fuere quam plurium imperium bello inutile esset ; tendendo ad sua quisque consilia, cum alii aliud videretur, aperuerunt ad occasionem locum hosti.
Quoique ce fait prouve, d’une manière assez évidente, l’inconvénient qu’entraîne à sa suite la multiplicité des chefs, je veux, pour le faire mieux sentir, en rapporter encore quelques-uns, tant anciens que modernes.
En 1500, lorsque le roi de France Louis XII eut repris Milan, il envoya une partie de ses troupes à Pise, pour restituer cette ville aux Florentins, qui, de leur côté, nommèrent pour commissaires Giovanbatista Ridolli et Luca degli Albizzi, fils d’Antonio. Giovanbatista était un homme d’une grande réputation, auquel son âge avait donné une plus longue expérience des affaires ; aussi Luca lui laissait-il tout gouverner. Mais s’il ne témoignait pas ouvertement son ambition, en s’opposant aux vues de son collègue, il la manifestait par son silence, et par l’insouciance et le dégoût qu’il montrait pour les affaires ; de sorte que, loin de diriger les opérations de la guerre, soit par ses conseils, soit par ses actions, on l’eût pris pour un homme rempli d’incapacité. Il fit bientôt voir cependant tout le contraire : un accident ayant obligé Giovanbatista à retourner à Florence, Luca, demeuré seul à la tête des affaires, découvrit, par son courage, son habileté et ses conseils, tout ce qu’il valait ;