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nemi, comme on peut le voir en lisant la vie de ce général.

Les Samnites, excités par l’ambition d’un petit nombre de leurs citoyens, avaient violé le traité qu’ils venaient de conclure, et se répandant sur les terres des alliés des Romains, ils les avaient livrées au pillage ; bientôt après, cependant, ils envoyèrent à Rome des ambassadeurs pour implorer la paix et offrir de restituer tout ce qu’on avait enlevé, en livrant les auteurs du trouble et du pillage : leurs offres furent repoussées, et ils retournèrent à Samnium sans espoir d’accommodement. Claudius Pontius, qui commandait alors l’armée samnite, leur fit voir, dans un discours remarquable, que les Romains voulaient la guerre à tout prix, et que quelque désir qu’ils eussent eux-mêmes de la paix, il fallait obéir à la nécessité qui les contraignait à combattre. Voici ses paroles : Justum est bellum, quibus est necessarium ; et pia arma, quibus nisi in armis spes est. C’est sur cette nécessité que lui-même et son armée fondèrent l’espoir de la victoire.

Mais, pour ne plus revenir sur ce sujet, je crois devoir citer encore quelques exemples qui m’ont paru les plus remarquables dans l’histoire romaine.

Caïus Manilius était allé avec son armée à la rencontre des Véïens ; une partie de l’armée ennemie ayant pénétré dans ses retranchements, Manilius accourut avec une troupe d’élite ; et, pour ôter aux Véïens tout espoir de salut, il leur ferma toutes les issues du camp. L’ennemi se voyant ainsi renfermé, combattit avec le courage du désespoir, tua Manilius lui-même, et aurait entièrement écrasé les restes de l’armée romaine, si la prudence d’un tribun n’eût ouvert un passage. Cet exemple prouve que tant que la nécessité contraignit les Véïens à combattre, ils se défendirent avec fureur ; mais qu’aussitôt qu’ils aperçurent un passage, ils songèrent bien plus à la fuite qu’au combat.