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de la corruption, ils recouvrèrent non-seulement toutes les villes qu’ils avaient perdues, mais ils purent usurper une portion des États de Ferrare : ainsi ceux que la guerre avait dépouillés durent leur agrandissement à la paix.

Il y a quelques années, toute l’Europe se ligua contre la France ; néanmoins, avant la fin de la guerre, l’Espagne abandonna les alliés, fit son accord avec ce royaume ; de sorte que peu de temps après les autres confédérés se virent contraints à leur tour de conclure la paix.

Ainsi, toutes les fois que vous verrez une foule d’ennemis se déclarer contre un seul, vous pouvez, sans aucun doute, regarder comme certain que celui qui est seul demeurera vainqueur, pourvu que ses forces soient assez grandes pour pouvoir résister aux premières attaques, et qu’en temporisant il puisse attendre un moment plus favorable ; parce qu’autrement il serait exposé à mille dangers : c’est ce qui arriva aux Vénitiens en 1508. S’ils avaient pu temporiser avec l’armée française, et avoir le temps de gagner quelques-uns de ceux qui étaient ligués contre eux, ils auraient évité les désastres qui les accablèrent ; mais n’ayant pas des armes assez fortes pour arrêter les ennemis, et par conséquent n’ayant pas eu le temps de mettre la désunion parmi les alliés, ils succombèrent. En effet, à peine le pape eut-il recouvré ce qui lui appartenait, qu’on le vit leur rendre son amitié, et l’Espagne en faire autant ; ces souverains, s’ils l’avaient pu, auraient bien volontiers conservé à Venise les États de Lombardie, contre la France, afin de ne pas accroître la puissance de ce royaume en Italie. Les Vénitiens pouvaient donc céder une partie de leurs possessions pour préserver le reste ; et s’ils avaient pris ce parti à temps, et que leur conduite n’eût pas semblé dictée par la nécessité, qu’elle eût même prévenu les premières hostilités, c’eût été