prince en leur présence, et les laissa les maîtres de l’assassiner ; néanmoins, aucun d’eux n’osa jamais le frapper. A la fin ils furent découverts, et ils reçurent la récompense de leur scélératesse et de leur imprudence. Cette indécision ne peut être attribuée à une autre cause qu’à l’étonnement que leur imprimait la présence du duc, ou à quelque marque de bonté qui adoucissait leur ressentiment.
L’exécution de ces projets entraîne ordinairement des inconvénients ou des erreurs qui naissent de l’imprudence ou du peu de courage ; car l’une ou l’autre de ces deux causes bouleverse tous les sens, et dans le trouble où elles jettent les esprits, on agit et on parle autrement qu’on ne devrait. Rien ne prouve mieux le trouble et l’agitation qui s’emparent de l’homme en de telles circonstances, que ce que dit Tite-Live d’Alexamène l’Étolien, lorsqu’il voulut se défaire du tyran de Lacédémone, Nabis, dont nous avons déjà parlé. Quand le moment fut arrivé, et qu’il eut découvert à ses compagnons ce qu’ils devaient faire, Tite-Live ajoute ces paroles : Collegit et ipse animum, confusum tantœ cogitatione rei. Il est impossible, en effet, que celui-là même qui possède une âme ferme, et qui est accoutumé à employer le fer et à attacher peu d’importance à la vie des hommes, n’éprouve pas de trouble en un pareil moment. Il faut donc ne faire choix que d’hommes éprouvés par de semblables entreprises, et ne se confier à nul autre, quelque réputation de courage qu’il ait ; car, sans en avoir fait l’expérience, personne ne peut assurer qu’il ne faillira pas tout à coup dans ces circonstances extraordinaires. Ainsi ce trouble peut, ou vous faire tomber les armes «les mains, ou vous faire proférer des paroles qui produisent le même effet.
Lucilla, sœur de Commode, avait ordonné à Quintianus de le poignarder. Ce dernier attendit l’empereur à l’entrée de l’amphithéâtre, et s’approchant de lui un