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et après ; aussi en voit-on bien peu qui aient une heureuse issue, parce qu’il est presque impossible de triompher heureusement de ce triple danger.

Et, pour commencer par les dangers qui se présentent les premiers et qui sont les plus importants, je dirai qu’il est indispensable d’y déployer la prudence la plus consommée, et d’être favorisé du sort pour que la conjuration ne soit pas découverte tandis qu’on l’ourdit. On la découvre, ou par révélation, ou par conjecture.

La révélation résulte du peu de fidélité ou du défaut de prudence de ceux à qui vous communiquez vos projets. Le manque de fidélité se rencontre aisément ; car vous ne pouvez vous confier ou qu’à quelques confidents disposés par amitié pour vous à affronter tous les dangers d’une mort certaine, ou à des hommes qui soient mécontents du prince. De tels confidents, on peut bien en trouver un ou deux ; mais si vous étendez votre confiance sur un plus grand nombre, il est impossible de les trouver. Il faut ensuite que l’affection qu’ils vous portent soit bien grande pour exiger qu’elle l’emporte même sur le péril et sur la crainte du châtiment. D’ailleurs il arrive le plus souvent que les hommes se trompent sur l’amitié qu’ils présument qu’un autre homme a pour eux : ils ne peuvent en être assurés qu’après en avoir fait l’expérience ; et faire cette expérience dans une circonstance semblable est une chose qui présente les plus grands dangers. Quand même vous l’auriez faite dans quelque autre entreprise périlleuse où vous auriez acquis la certitude de la fidélité de vos amis, vous ne pouvez la prendre pour mesure de ce qu’ils feront, puisque cette nouvelle entreprise surpasse de si loin tous les autres dangers.

Si l’on mesure la fidélité sur le mécontentement qu’un homme peut avoir contre le prince, il est facile encore de se tromper ; car à peine aurez-vous manifesté vos desseins à ce mécontent, que vous lui donnerez l’occa-