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réussir celui que trama Jacopo d’Appiano contre messer Pierro Gambacorti, prince de Pise, qui, après avoir élevé, nourri, et rendu Jacopo célèbre, se vit dépouillé par lui de ses États.

Le complot que Coppola forma de nos jours contre le roi Ferdinand d’Aragon est encore de ce genre : ce Coppola parvint à un tel degré de puissance, qu’il se persuada qu’il ne lui manquait plus que la couronne, et pour avoir voulu s’en emparer il perdit la vie. Certes, si quelque conjuration tramée contre un prince par les grands de sa cour dut avoir une heureuse issue, c’était celle qui, conduite par un homme qui était pour ainsi dire un autre roi, avait tant de moyens de réussir. Mais cette ardeur de régner, qui aveugle les hommes, les aveugle encore dans la conduite de leurs entreprises, parce que si la prudence dirigeait leur crime, il serait impossible qu’il ne réussît pas.

En conséquence, un prince qui veut se préserver des conjurations doit redouter bien plus encore ceux qu’il a comblés de bienfaits que ceux qu’il aurait accablés d’outrages ; car ceux-ci manquent de moyens commodes pour se venger, tandis qu’ils abondent pour les autres. Le désir est égal de chaque côté ; car la soif de régner est aussi grande, si elle ne l’est davantage, que celle de la vengeance. Ainsi il ne doit pas donner à ses amis une telle autorité qu’il ne reste plus d’intervalle entre elle et le trône : il faut qu’il laisse au milieu quelque chose à désirer, sinon il est rare qu’il ne lui arrive ce qu’ont éprouvé les princes dont nous avons parlé.

Mais retournons à notre ordre. Puisque ceux qui conspirent doivent être des grands qui jouissent d’un accès facile auprès d’un prince, il faut examiner quels ont été les succès des entreprises de ce genre, et voir par quelles causes elles ont été heureuses ou malheureuses. Ainsi que je l’ai dit plus haut, des dangers s’y rencontrent dans trois moments : dès le début, pendant l’exécution,