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D’un autre côté, les simples particuliers ne sauraient se jeter dans une entreprise plus dangereuse et plus téméraire, parce qu’elle n’offre de toutes parts que périls et difficultés ; aussi arrive-t-il que l’on en tente un grand nombre, et que bien peu offrent le résultat que l’on en espérait.

Afin donc d’apprendre aux princes à se garantir de ces dangers, et aux peuples à s’y engager moins témérairement, et à se résoudre à obéir au gouvernement sous lequel le sort les a placés, je veux traiter ce sujet avec étendue, et je ne passerai sous silence aucune des circonstances remarquables qui pourraient servir à éclairer les uns et les autres.

C’est vraiment une maxime d’or, que celle où Tacite dit : « Que les hommes doivent respecter le passé, se soumettre au présent, désirer de bons princes, et les supporter tels qu’ils sont. » Se conduire autrement, c’est le plus souvent travailler à sa ruine et à celle de la patrie.

Pour entrer en matière, nous devons considérer d’abord contre qui on dirige ordinairement les conjurations ; et nous verrons que c’est ou contre la patrie ou contre un prince. Je ne parlerai maintenant que de ces deux espèces de conspirations ; je me suis assez étendu précédemment sur les complots formés pour livrer une ville aux ennemis qui l’assiégent, et sur ceux qui y ressemblent par quelques circonstances.

Je traiterai dans cette première partie de celles qui sont dirigées contre un prince, et j’examinerai d’abord quelles en sont ordinairement les causes. Elles sont nombreuses ; mais il en est une entre autres de la plus grande importance : c’est la haine générale. En effet, lorsqu’une haine universelle environne le prince, faut-il s’étonner si quelques citoyens qu’il aura plus offensés que les autres nourrissent dans leur cœur le désir de la vengeance, et si ce sentiment acquiert chaque jour