Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en effet, dans le principe des religions, des républiques, des monarchies, une certaine vertu au moyen de laquelle elles peuvent ressaisir leur premier éclat et le premier moteur de leur accroissement. Et comme le progrès du temps altère nécessairement cette vertu, tout le corps succombe sans retour, s’il ne survient quelque événement heureux qui le reporte à ses commencements. Aussi ceux qui sont versés dans la science de la médecine disent-ils, en parlant du corps humain : Quod quotidie aggregatur aliquid, quod quandoque indiget curatione.

Ce retour d’une république vers son principe a lieu, ou par un accident extérieur, ou par une sagesse qui existe en elle.

Pour le premier cas, on voit qu’il était nécessaire que Rome tombât entre les mains des Gaulois pour reprendre son existence, et pour qu’en renaissant elle retrouvât pour ainsi dire une nouvelle vie et une nouvelle vigueur, et reprît l’observance de la religion et de la justice, qui commençaient à perdre de leur pureté. C’est ce que Tite-Live développe admirablement dans son histoire, où il fait voir que, lorsqu’on envoya l’armée romaine à la rencontre des Gaulois, et qu’on procéda à l’élection des tribuns consulaires, on négligea l’observation de toutes les cérémonies religieuses. C’est ainsi que, loin de punir les trois Fabius, qui, malgré le droit des gens, avaient combattu les Gaulois, on les nomma tribuns. D’où l’on peut aisément conclure que les autres sages institutions que l’on tenait de Romulus et de la prudence de ses successeurs étaient déjà moins respectées qu’il ne fallait pour conserver un gouvernement libre.

Ce désastre étranger était donc nécessaire pour remettre en vigueur toutes les institutions qui faisaient la force de l’État, et faire sentir au peuple qu’il est indispensable non-seulement de maintenir la religion et la