Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

espérances, sur lesquelles vous pensez pouvoir compter, mais vous ne faites que vous jeter dans de vaines dépenses, ou vous précipiter dans une entreprise qui n’aboutit qu’à votre ruine.

Je n’en voudrais pour preuve que le prince dont je viens de parler ; j’ajouterai cependant l’exemple de Thémistocle, qui, après avoir été déclaré rebelle contre sa patrie, alla chercher en Asie un refuge auprès de Darius[1] qu’il sut aveugler par des promesses si magnifiques s’il se décidait à attaquer la Grèce, que ce prince résolut de tenter cette entreprise. Mais Thémistocle, ne pouvant tenir ce qu’il avait promis, s’empoisonna lui-même, ou par honte, ou par crainte du supplice. Si un homme d’un aussi vaste génie que Thémistocle put tomber dans une semblable erreur, on doit croire que ceux-là commettront des erreurs plus graves encore, qui, n’ayant pas son génie et son courage, écouteront davantage leurs désirs ou leur passion.

Un prince doit donc ne rien précipiter et ne pas se jeter dans une entreprise sur les simples rapports d’un exilé ; car la plupart du temps il n’en sort qu’à sa honte ou à son détriment.

Comme il est également rare qu’on s’empare d’une ville par la ruse ou par les intelligences qu’on y entretient, je ne crois pas inutile d’en parler dans le chapitre suivant, et d’y rapporter les divers moyens que les Romains mettaient en usage pour se rendre maîtres des places ennemies.

  1. Le texte de quelques éditions porte Xerxès.