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traité, ils s’occupaient déjà de peser l’or. Soudain Camille survient avec son armée ; ce fut, dit Tite-Live, un coup de la fortune, « qui ne voulait pas que les Romains pussent vivre rachetés au poids de l’or : » Ut Romani auro redempti non viverent.

Cet événement, déjà si remarquable en cette occasion, le devint encore davantage, puisque dans la suite il servit de règle de conduite à la république. On voit que jamais elle ne voulut d’une conquête que l’or pouvait lui procurer ; que jamais l’or ne lui servit à acquérir une paix qu’elle ne voulait devoir qu’à la force de ses armes. Je ne crois pas qu’aucune autre république ait tenu cette conduite. Parmi les signes auxquels on peut juger de la puissance d’un État, il suffit de voir la manière dont il vit avec ses voisins. Lorsqu’il se conduit de manière que, pour racheter son amitié, ses voisins se font ses tributaires, c’est un indice irrécusable de la puissance de cet État. Mais lorsque ces voisins, quoique plus faibles que lui, en tirent au contraire des tributs, il ne peut exister un plus grand signe de faiblesse.

Qu’on lise toutes les histoires romaines, et l'on verra que les Marseillais, les Éduens, les Rhodiens, Hiéron de Syracuse, les rois Eumènes et Massinissa, qui touchaient tous aux limites de l’empire romain, s’empressaient par leurs trésors de concourir à tous ses besoins, n’implorant de Rome d’autre récompense que d’en être défendus.

On verra, au contraire, dans tous les États faibles, à commencer par celui de Florence, dès les temps les plus reculés et à l’époque même de sa plus grande splendeur, qu’il n’y eut jamais le plus petit seigneur dans la Romagne auquel elle n’accordât quelque pension ; elle en accordait en outre aux villes de Pérouse, de Castello, et à tous ses autres voisins. Si cette cité avait eu des armes et du courage, il en eût été tout autrement ; car tous, pour obtenir sa protection, lui auraient prodigué