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elles n’avaient point existé, les Florentins n’auraient pas compté sur leur appui pour pouvoir conserver Pise ; et par leur secours le roi n’aurait pu ravir cette ville aux Florentins : les moyens que l’on eût employés jusqu’à ce moment pour les maintenir dans l’obéissante auraient peut-être été suffisants ; et certainement on n’eut pas fait une épreuve plus funeste que celle des forteresses.

Je conclus que, pour le prince qui veut contenir ses États, les places fortes sont dangereuses ; que, pour maintenir les villes conquises, elles sont inutiles ; et il me suffit ici de l’autorité des Romains, qui, lorsqu’ils voulaient garder une ville avec violence, la démantelaient au lieu de l’entourer de remparts. Si, pour combattre mon opinion, on m’alléguait dans l’histoire ancienne l’exemple de Tarente, et de nos jours celui de Brescia, qui, au moyen de leurs citadelles, furent reprises sur les habitants révoltés, voici ce que je répondrais : Fabius Maximus ne fut envoyé qu’au bout d’un an avec son armée pour reconquérir Tarente : rien ne l’aurait empêché de s’en rendre maître quand même il n’y aurait pas eu de forteresse ; aussi, quoique Fabius se soit servi de ce moyen, il est certain que s’il n’eût point existé, il aurait su en trouver un autre dont le résultat n’eût pas été moins infaillible. Je ne puis concevoir la grande utilité d’une forteresse, lorsque pour recouvrer une ville il faut que l’on emploie à sa conquête une armée consulaire commandée par un Fabius Maximus. Que Rome fût parvenue à reprendre Tarente par tout autre moyen, nous en avons la preuve dans Capoue, où il n’existait pas de forteresses, et dont elle s’empara par la seule valeur de ses armes.

Mais venons à Brescia. Je dirai d’abord que l’on trouve rarement les circonstances que présente la révolte de cette ville, où la citadelle reste en notre pouvoir malgré le soulèvement des habitants, et où vous avez dans