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lême, lui avait succédé sur le trône de France. Ce prince, désirant rendre à son royaume le duché de Milan, dont les Suisses s’étaient emparés quelque temps auparavant avec le secours du pape Jules II, cherchait en Italie des alliés qui facilitassent cette entreprise. Outre les Vénitiens, dont le roi Louis XII avait regagné l’amitié, il tâchait de séduire les Florentins et le pape Léon X, convaincu que son entreprise serait bien plus facile s’il parvenait de nouveau à s’en faire des amis, attendu que le roi d’Espagne avait des troupes en Lombardie, et que d’autres forces de l’empereur se trouvaient à Vérone.

Cependant le pape ne voulut point se rendre aux désirs du roi ; mais ses conseillers lui persuadèrent, à ce qu’on dit, de demeurer neutre, et lui firent voir que ce parti seul promettait la victoire, parce qu’il était de l’intérêt de l’Église de n’avoir pour maître en Italie ni le roi ni les Suisses ; mais que, s’il voulait rendre à cette contrée son antique liberté, il était nécessaire de la délivrer et de l’un et de l’autre. Comme il ne pouvait les vaincre ni séparément, ni tous deux réunis, il fallait attendre que l’un eût triomphé de l’autre, afin que l’Église, avec ses alliés, pût attaquer celui qui demeurerait vainqueur. Il était impossible de trouver une occasion plus favorable que celle qui se présentait : les deux rivaux étaient en campagne ; le pape, avec son armée, se trouvait en mesure de se transporter sur les frontières de la Lombardie, et là, dans le voisinage des deux armées, et sous prétexte de veiller à la sûreté de ses propres États, pouvait attendre qu’ils se livrassent bataille : comme les deux armées étaient également courageuses, il y avait lieu de croire que cette bataille serait sanglante pour chacun, et laisserait le vainqueur tellement affaibli, qu’il serait aisé au pape de l’attaquer et de le battre. Ainsi, le pape devait demeurer glorieusement le maître de la Lombardie et l’arbitre de toute l’Italie.

L’événement fit voir combien cette opinion était