Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvrage, de l’inutilité des troupes mercenaires et des auxiliaires, et de l’utilité d’une armée nationale, je donnerais plus de développement à ce chapitre ; mais, comme j’en ai déjà parlé avec assez d’étendue, je m’expliquerai ici en peu de mots. J’ai trouvé dans Tite-Live un exemple si frappant des inconvénients des troupes auxiliaires, que je n’ai pas cru devoir passer ce fait sans m’y arrêter.

On appelle troupes auxiliaires celles qu’un prince ou une république envoie à votre secours en continuant à les payer et à les tenir sous ses ordres. Or, pour en venir au texte de Tite-Live, je vois que les Romains, après avoir battu deux armées samnites en diverses rencontres, avec les troupes qu’ils avaient envoyées au secours des Capouans, voulurent, après avoir délivré ce peuple de ses ennemis, retourner à Rome ; mais pour que les Capouans, privés de tout appui, ne devinssent pas de nouveau la proie des Samnites, ils laissèrent sur le territoire de Capoue deux légions chargées du soin de la défendre. Ces légions, corrompues par l’oisiveté, commencèrent à se plonger dans les délices, et, perdant le souvenir de leur patrie et le respect dû au sénat, elles formèrent le projet de prendre les armes et de s’emparer du pays que leur valeur avait sauvé, prétextant qu’un peuple était indigne de posséder des biens qu’il ne savait pas défendre. Ce complot ayant été découvert, Rome s’empressa de l’étouffer et de le punir, comme je le ferai voir dans le chapitre où je dois traiter en détail des conjurations.

Je répéterai donc que, de tous les genres de troupes, les pires sont les auxiliaires. D’abord, le prince ou la république qui se sert de leur appui n’a aucune autorité sur elles, puisqu’elles ne reconnaissent que les ordres de celui qui les envoie : en effet, les auxiliaires sont, ainsi que je l’ai dit, envoyés par un prince qui a ses propres officiers, sous les drapeaux duquel ils marchent, et qui pourvoit à leur solde, comme était l’armée que les Romains envoyèrent à Capoue. Les troupes de cette espèce,