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avait déjà en partie été corrompue, cette conquête eût infailliblement entraîné la perte de la république. C’est de quoi Tite-Live fait foi, lorsqu’il dit : Jam tunc minime salubris militari disciplinæ Capua, instrumentum omnium voluptatum, delinitos militum animos avertit à memoria patriæ.

Il est démontré que les villes ou les provinces de cette espèce se vengent de leurs vainqueurs sans combattre et sans répandre de sang, parce qu’en leur inspirant le goût des voluptés qui les affaiblissent, elles les exposent à être subjugués par le premier qui les attaque. Et Juvénal, dans ses satires, ne pouvait jeter plus de lumière sur ce point, qu’en disant que les conquêtes de tant de pays lointains avaient introduit dans l’âme des Romains l’amour des mœurs étrangères, après y avoir éteint l’économie et toutes les vertus qui les avaient illustrés, et qu’en terminant ce tableau par ces vers :


. . . . . . . . . . . Gula et sœvior armis
Luxuria incubuit, victumque ulciscitur orbem.

________________________SAT. VI, v. 291.


Ah ! si les conquêtes furent sur le point de corrompre Rome, lorsque la sagesse et le courage inspiraient encore toutes ses actions, que sera-ce pour ceux qui, dans leur conduite, s’écartent à ce point des bons principes, et qui, outre les erreurs que nous venons de signaler avec tant d’étendue, n’emploient que des troupes mercenaires ou auxiliaires ? Les désastres qui les attendent seront l’objet du chapitre suivant.



CHAPITRE XX.


A quels dangers s’expose un prince ou une république qui se sert de troupes auxiliaires ou mercenaires.


Si je n’avais déjà longuement traité, dans un autre