ainsi que je l’ai dit, se ranger sur un seul front : mais, sont-ils resserrés par la nature du terrain, ils commettent la faute que je viens de signaler, sans penser nullement au remède.
C’est avec le même désordre que leur cavalerie parcourt le pays, soit pour le piller, soit pour quelque manœuvre de guerre. Dans la lutte que les Florentins soutinrent contre les Pisans, que le passage du roi de France Charles VIII en Italie avait excités à la révolte, le premier de ces peuples ne fut battu à San-Regolo et ailleurs que par la faute de la cavalerie alliée, qui, se trouvant à l’avant-garde et repoussée par l’ennemi, se rejeta en désordre sur l’infanterie florentine, la rompit et décida de la fuite du restant de l’armée ; et messer Criaco dal Borgo, ancien commandant de l’infanterie de la république, a plusieurs fois affirmé en ma présence qu’il n’avait jamais été battu que par la faute de la cavalerie alliée. Les Suisses, qui sont les maîtres de l’art moderne de la guerre, ont soin, par-dessus toute chose, de se placer sur les flancs lorsqu’ils combattent dans les rangs des Français, afin que la cavalerie alliée ne se renverse pas sur eux si elle venait à être repoussée.
Quoique ces principes paraissent faciles à comprendre et plus faciles encore à appliquer, cependant il ne s’est pas trouvé un seul capitaine de nos contemporains qui ait su imiter le système des anciens ou corriger du moins celui des modernes. Ils ont bien également divisé leurs armées en trois corps dont l’un se nomme avant-garde, l’autre, corps de bataille, et le dernier, arrière-garde ; mais ils ne s’en servent que dans la distribution des logements. Dans l’emploi qu’ils en font, comme je l’ai dit plus haut, il est bien rare qu’ils ne fassent pas courir la même fortune à chacun de ces corps indistinctement. Or comme plusieurs d’entre eux, pour excuser leur ignorance, prétendent que la puissance de l’artillerie ne permet pas d’employer de nos jours les dispositions des anciens,