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violente éclata entre Rome et Carthage, et les Syracusains disputèrent vivement pour savoir s’ils devaient embrasser l’amitié des Romains ou celle des Carthaginois. L’ardeur des deux partis rivaux était si grande, que la chose restait en suspens, et qu’aucun ne prenait de résolution. Enfin, un des citoyens les plus considérés de Syracuse, nommé Apollonide, fit voir, dans une harangue pleine de sagesse, qu’il ne fallait blâmer ni ceux dont l’opinion était de se réunir aux Romains, ni ceux qui voulaient suivre le parti des Carthaginois, mais qu’il fallait avoir en horreur cette indécision et cette lenteur à embrasser une opinion, parce que cette hésitation ne pouvait que causer la ruine de la république ; au lieu qu’une fois le parti pris, quel qu’il fût, il restait du moins encore l’espérance. Tite-Live ne pouvait mettre sous nos yeux un exemple plus frappant du danger que produit l’incertitude.

Il en fournit une nouvelle preuve dans ce qui arriva aux Latins. Ce peuple avait sollicité contre les Romains le secours des Laviniens, qui mirent tant de lenteur dans leur délibération, qu’au moment où l’armée était sur le point de sortir des portes pour se mettre en campagne, ils reçurent la nouvelle que les Latins venaient d’être battus. Aussi Milonius, leur préteur, s’écria : « Le peuple romain nous fera payer cher le peu de chemin que nous avons fait. » En effet, s’ils avaient résolu d’abord de secourir ou de ne pas secourir les Latins, en ne les secourant point ils n’eussent pas irrité le peuple romain ; ou en les secourant à propos, les renforts qu’ils leur eussent envoyés auraient pu leur donner la victoire ; mais, par leurs délais, ils s’exposèrent à se perdre de toutes les manières, comme en effet cela leur arriva.

Si les Florentins avaient fait attention à ce texte, ils n’auraient point éprouvé de la part des Français tous les dommages et les désagréments qu’ils eurent à sup-