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ut cogitetis magis quid agendum nobis, quam quid loquendum sit. Facile erit, explicatis consiliis, accommodare rebus verba.

Ces paroles présentent une grande vérité, et il n’est ni un prince, ni une république, qui ne doive les goûter. Lorsqu’on est dans l’incertitude de ce que l’on fera, il est impossible de s’expliquer ; mais lorsqu’on a embrassé une ferme résolution, et déterminé un plan de conduite, on trouve aisément des paroles pour les justifier.

Je fais d’autant plus volontiers cette remarque, que j’ai eu de plus fréquentes occasions d’observer combien cette ambiguïté avait apporté de dommage aux affaires de l’État, et quelle honte et quels désastres elle avait causés à notre république. Lorsqu’il faudra mettre en délibération quelque parti douteux, et dont la décision exige du courage, on verra toujours éclater cette irrésolution, si l’examen en est confié à des esprits pusillanimes.

Une délibération lente et tardive ne présente pas de moins graves inconvénients qu’une résolution ambiguë, surtout lorsqu’il s’agit de décider du sort d’un allié. Avec la lenteur, on ne sert personne et l’on se nuit à soi-même. Les mesures de cette espèce proviennent ou de la faiblesse du courage, ou du manque de ressources, ou de la perversité des membres du conseil, qui, poussés par leur intérêt personnel à la ruine de l’État ou à l’accomplissement de leurs désirs, ne permettent pas de continuer la délibération, mais font tous leurs efforts pour la suspendre et y mettre des entraves. En effet, les citoyens éclairés n’empêcheront jamais de délibérer, même lorsqu’ils verront le peuple, entraîné par une fougue insensée, se précipiter dans une résolution funeste, surtout lorsqu’il s’agit d’un parti qui n’admet point de délai.

Après la mort d’Hiéron, tyran de Syracuse, une guerre