ques-uns entre leurs mains, ils les massacrent sans pitié, comme une source de corruption et de désordres.
Pour éclaircir ce que j’entends par le mot de gentilhomme, je dirai que l’on appelle ainsi ceux qui vivent, dans l’oisiveté, des produits de leurs biens ; qui coulent leurs jours dans l’abondance, sans nul souci pour vivre, ni d’agriculture, ni d’aucun autre travail. Ces hommes sont dangereux dans toutes les républiques et dans tous les États ; mais on doit redouter par-dessus tout ceux qui, outre les avantages que je viens de détailler, commandent à des châteaux et ont des vassaux qui leur obéissent. Le royaume de Naples, les terres de l’Église, la Romagne et la Lombardie offrent de toutes parts ces deux espèces d’hommes ; c’est pourquoi il n’y a jamais eu dans ces contrées aucun gouvernement régulier, ni aucune existence politique, parce qu’une telle race est ennemie déclarée de toute institution civile. Vouloir introduire un gouvernement dans un pays ainsi organisé, ce serait tenter l’impossible. Mais s’il était possible à quelqu’un d’y établir l’ordre, il ne le pourrait qu’en créant un roi. La raison en est que là où il existe tant de causes de corruption, la loi leur oppose une trop faible digue, il faut lui prêter l’appui d’une force plus irrésistible : c’est dans la main d’un roi qu’elle réside ; c’est son pouvoir absolu et sans limites qui peut mettre un frein à l’ambition excessive et à la corruption des hommes puissants.
L’exemple de la Toscane peut servir de preuve à ce que j’avance. Dans un espace de terrain très-resserré, trois républiques ont subsisté pendant de longues années, Florence, Sienne et Lucques. Les autres villes de cette contrée n’ont point été tellement esclaves, qu’aidées de leur courage et des institutions qu’on y remarque encore, elles n’aient su maintenir leur liberté, ou entretenir du moins le désir de la conserver ; ce qui vient de ce qu’il n’existe dans ce pays aucun propriétaire de château, et