Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/292

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aussi toujours des juges pour contenir les hommes puissants.

Lorsqu’on voit donc la république romaine, qui dut à sa propre sagesse et à celle de tant d’illustres citoyens les belles institutions qui la régissaient, forcée chaque jour par les événements d’établir de nouvelles lois en faveur de la liberté, il ne faut pas s’étonner si dans d’autres États dont les commencements furent plus désordonnés, il s’élève de telles difficultés, qu’il soit toujours impossible d’y rétablir l’ordre.



CHAPITRE L.


Un conseil ni un magistrat ne doivent pouvoir entraver les affaires d’un État.


T. Quintius Cincinnatus et Cn. Julius Mentus étaient consuls, et leur désunion avait suspendu toutes les affaires de la république. Le sénat alors les pria instamment de nommer un dictateur qui pût du moins exécuter ce que leur inimitié ne permettait pas de faire. Mais les consuls, qui ne pouvaient s’accorder sur rien, n’étaient du même avis que sur un seul point, celui de ne pas nommer de dictateur. Alors le sénat, n’ayant plus d’autre recours, implora l’appui des tribuns, qui, soutenus de leur côté par l’autorité du sénat, forcèrent les consuls d’obéir.

D’abord, il faut remarquer ici l’utilité du tribunat, qui ne se bornait pas à mettre un frein aux prétentions que les nobles déployaient contre le peuple, mais encore à celles qu’ils élevaient entre eux.

En second lieu, il ne faut jamais, dans un État, que l’on permette au petit nombre de prendre aucune de ces résolutions qui sont ordinairement nécessaires au maintien