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parti le moins funeste. S’il lui était pénible de ne pouvoir défendre ses sujets, il lui paraissait également dur de les voir s’armer sans sa permission, et par les motifs que j’ai déjà exposés, et par une foule d’autres que l’on comprend aisément. Convaincu que la nécessité contraindrait sans faute ces peuples à s’armer afin de se soustraire à l’ennemi qui les pressait, il prit le parti le plus honorable, et voulut que ce qu’ils avaient à faire fût autorisé par lui, de peur qu’ayant désobéi une fois par nécessité, ils ne s’habituassent dans la suite à désobéir par caprice. Il semble que dans de pareilles circonstances toute république aurait pris le même parti ; mais les États faibles ou mal conseillés ne savent jamais se résoudre, ni se faire honneur de la nécessité.

Le duc de Valentinois s’était emparé de Faenza et avait forcé Bologne de traiter avec lui. Comme il se disposait à traverser la Toscane pour retourner à Rome, il envoya à Florence un de ses affidés, demander le passage pour lui et pour son armée. On délibéra dans la ville sur le parti qu’il y avait à prendre, et personne ne proposa d’accueillir sa demande. C’était s’éloigner entièrement de la politique des Romains ; car le duc avait des forces redoutables, et les Florentins étaient trop faibles pour l’empêcher de passer ; il eût été bien plus honorable pour eux de paraître lui avoir accordé le passage, que de se le voir arracher par force. Toute la honte en rejaillit sur eux, et ils s’en seraient préservés en partie, s’ils s’étaient conduits d’une manière différente ; mais le plus grand vice de toutes les républiques faibles, c’est l’irrésolution ; en sorte que chaque parti qu’elles prennent leur est dicté par la force ; et s’il en résulte quelque bien, c’est à la nécessité et non à leur sagesse qu’elles doivent en rendre grâces.

Je veux en donner deux autres exemples contemporains, arrivés dans les États de notre république en 1500.