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La preuve en est facile à donner, si l’on veut considérer les causes qui maintinrent les dictateurs dans le devoir, et celles qui corrompirent les décemvirs, ainsi que la conduite qu’ont toujours tenue les républiques bien gouvernées, dans la délégation d’un long pouvoir, tel qu’était celui que les Spartiates donnaient à leurs rois, ou que les Vénitiens confèrent encore aujourd’hui à leurs doges. On verra, dans ces deux derniers gouvernements, des surveillants établis pour empêcher les rois ou les chefs d’abuser de leur autorité. Il ne suffit pas dans ce cas que l’État ne soit pas infecté par la corruption : le pouvoir absolu a bientôt corrompu le gouvernement, et ne se fait que trop aisément des amis et des complices. Peu importe au nouveau tyran d’être pauvre ou sans famille ; car toujours les richesses et les faveurs du peuple courent au-devant de la puissance. C’est ce que nous ferons voir spécialement en parlant de l’institution des décemvirs.



CHAPITRE XXXVI.


Les citoyens qui ont obtenu les premières dignités de l’État ne doivent pas dédaigner les dernières.


Les Romains, sous le consulat de Marcus Fabius et de Cn. Manlius, avaient remporté sur les Véiens et les Étrusques une mémorable victoire dans laquelle périt le frère du consul, Quintus Fabius, qui, lui-même, avait obtenu la dignité consulaire trois ans auparavant.

Cet exemple prouve à quel point toutes les institutions de l’État servirent à sa grandeur, et combien toutes les républiques qui s’éloignent de ce système sont dans une grave erreur. En effet, quoique les Romains fussent épris de la gloire, ils ne regardaient pas cependant comme un déshonneur d’obéir aujourd’hui à