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sorte que le peuple, par ce moyen, put jouir de ce sacrifice, et n’eut point lieu de se servir du prétexte qu’on l’en privait, pour désirer le retour des rois.

Telle est la conduite que doivent suivre tous ceux qui veulent effacer jusqu’aux moindres traces des anciennes mœurs d’un État, pour y substituer des institutions nouvelles et un gouvernement libre. Car si les innovations finissent par changer entièrement l’esprit des hommes, il faut s’efforcer de conserver à ces changements le plus qu’on peut de leur antique physionomie ; et si les magistrats diffèrent des anciens par le nombre, l’autorité et la durée de leurs fonctions, ils doivent conserver au moins leurs noms primitifs.

Voilà, dis-je, ce que doit observer quiconque prétend établir la souveraine puissance, soit républicaine, soit monarchique. Mais celui qui veut se borner à fonder cette autorité absolue que les auteurs nomment tyrannie, doit changer entièrement la face des choses, ainsi que je le dirai dans le chapitre suivant.



CHAPITRE XXVI.


Un prince établi récemment dans une ville, ou dans une contrée qu’il a conquise, doit y renouveler la face de toutes les institutions.


Quiconque obtient la souveraineté d’une ville ou d’un État, surtout quand son pouvoir est assis sur de faibles fondements, et qu’il ne veut point d’un gouvernement établi sur les lois monarchiques ou républicaines, n’a pas de moyen plus sûr de se maintenir sur le trône que de renouveler, dès le commencement de son règne, toutes les institutions de l’État ; comme, par exemple, d’établir dans les villes de nouveaux magistrats sous des dénominations nouvelles, de rendre les pauvres riches, ainsi que fit David lorsqu’il devint roi, qui esurientes