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connues et fréquentées, mais une foule de sentiers, ignorés, il est vrai, des étrangers, mais connus des habitants du pays, qui sauront toujours vous en indiquer le passage malgré ceux qui voudraient vous arrêter.

Nous en avons un exemple tout récent arrivé en 1515. Lorsque François Ier, roi de France, résolut de passer en Italie pour recouvrer la Lombardie, ceux qui s’opposaient à son entreprise fondaient les plus grandes espérances sur les Suisses, qu’ils croyaient capables d’interdire le passage des Alpes. Mais l’expérience leur prouva bientôt combien leur confiance était vaine ; car le roi, ayant laissé de côté deux ou trois défilés que défendaient les Suisses, s’en vint par un autre chemin entièrement inconnu, pénétra en Italie, et se trouva devant ses ennemis avant qu’ils se fussent doutés de son passage. Effrayées de son approche, leurs troupes se réfugièrent dans Milan, et toute la population de la Lombardie se réunit aux Français, lorsqu’elle vit s’évanouir l’espoir d’arrêter leur armée à la descente des monts.



CHAPITRE XXIV.


Les États bien organisés établissent des peines et des récompenses pour les citoyens, et ne font jamais des unes une compensation pour les autres.


Les services d’Horace avaient été bien grands lorsque sa valeur vainquit les Curiaces ; mais la mort de sa sœur fut un crime horrible. Aussi cet homicide inspira une telle horreur aux Romains, qu’ils intentèrent contre lui une action capitale, malgré la grandeur de ses récents services. Si l’on s’arrête à la superficie des choses, le peuple paraîtra coupable d’ingratitude. Mais si l’on examine avec plus d’attention, et si l’on réfléchit plus mûrement aux vrais principes du gouvernement, on blâmera plutôt ce peuple d’avoir absous le coupable que