servation. Et de même que plusieurs hommes sont incapables de fonder une institution faute d’en discerner les avantages, parce que la diversité des opinions qui s’agitent entre eux obscurcit leur jugement, de même après qu’ils en ont reconnu l’utilité ils ne s’accorderont jamais pour l’abandonner.
Ce qui prouve que Romulus mérite d’être absous du meurtre de son frère et de son collègue, et qu’il avait agi pour le bien commun et non pour satisfaire son ambition personnelle, c’est l’établissement immédiat d’un sénat dont il rechercha les conseils et qu’il prit pour guide de sa conduite. En examinant avec attention l’autorité que Romulus se réserva, on verra qu’il se borna à retenir le commandement des armées lorsque la guerre était déclarée, et le droit de convoquer le sénat. C’est ce qu’on vit clairement lorsque Rome, par l’expulsion des Tarquins, eut recouvré sa liberté. On ne fut obligé d’apporter aucune innovation dans la forme de l’ancien gouvernement, on se borna à établir deux consuls annuels à la place d’un roi perpétuel : preuve évidente que les premières institutions de cette ville étaient plus conformes à un régime libre et populaire qu’à un gouvernement absolu et tyrannique.
Je pourrais citer à l’appui de mon opinion une multitude d’exemples, tels que ceux de Moïse, de Lycurgue, de Solon, et de quelques autres fondateurs de royaumes ou de républiques, qui tous ne réussirent à établir des lois favorables au bien public que parce qu’ils obtinrent sur le peuple l’autorité la plus absolue ; mais j’abandonne ces exemples, car ils sont connus de tout le monde. Je me contenterai d’en rapporter un seul, moins célèbre, mais sur lequel doivent réfléchir ceux qui auraient le projet de devenir de profonds législateurs. Voici cet exemple. Agis, roi de Sparte, voulut tenter de remettre en vigueur parmi les Lacédémoniens les lois que Lycurgue leur avait données ; il lui semblait que