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pitaine du peuple, il ne put jamais parvenir à se disculper entièrement, parce qu’il n’existait pas dans cette république de moyen propre à y réussir. Il en résulta une profonde irritation entre les amis de messer Giovanni, qui se composaient de la plupart des grands de Florence, et ceux qui voulaient des changements dans le gouvernement. Ces inimitiés, attisées chaque jour par ces causes ou par d’autres semblables, allumèrent enfin un incendie qui dévora la république entière.

Manlius Capitolinus était donc calomniateur et non accusateur, et dans cette occurrence les Romains donnèrent un exemple éclatant de la manière dont la calomnie doit être réprimée : c’est d’obliger le calomniateur à devenir accusateur, de le récompenser, ou du moins de ne pas le punir, lorsque ses plaintes sont fondées ; et lorsqu’elles sont fausses, de sévir contre lui comme on sévit contre Manlius.



CHAPITRE IX.


Il est nécessaire d’être seul quand on veut fonder une nouvelle république, ou lorsqu’on veut rétablir celle qui s’est entièrement écartée de ses anciennes institutions.


On trouvera peut-être que j’ai été trop avant dans l’histoire romaine sans avoir encore fait mention de ceux qui établirent la république, et des institutions qui ont rapport à la religion ou à la discipline militaire. Ne voulant donc pas tenir plus longtemps en suspens l’esprit de ceux qui voudraient entendre discuter ces matières, je dirai que plusieurs personnes regardent comme un mauvais exemple, que le fondateur d’un gouvernement libre, tel que fut Romulus, ait d’abord tué son frère, et consenti ensuite à la mort de Titus Tatius, avec lequel il avait lui-même partagé le trône. Ils pensent que les citoyens, encouragés par l’exemple du prince, pourraient,