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ni le peuple, ni un simple citoyen ne songea à se prévaloir des forces de l’étranger. Possédant chez eux le remède, ils n’avaient pas besoin de l’aller chercher au dehors.

Quoique les exemples précédents suffisent pour prouver ce que j’avance, je veux pourtant en rapporter un autre que me fournit encore l’Histoire de Tite-Live. Il raconte qu’à Clusium, l’une des villes les plus renommées de la Toscane, un certain Lucumon avait violé la sœur d’Arons, et que celui-ci, ne pouvant se venger d’un ennemi trop puissant, passa chez les Gaulois qui occupaient alors cette contrée que l’on nomme aujourd’hui Lombardie, et les engagea à envoyer une armée contre Clusium, en leur faisant voir combien il leur serait avantageux de prendre en main le soin de sa vengeance. Il est clair que si Arons avait pu se venger suivant les lois de sa patrie, il n’eût point eu recours aux forces des barbares.

Mais autant ces accusations sont utiles dans une république, autant les calomnies sont dangereuses et sans but. C’est ce qui fera l’objet du chapitre suivant.



CHAPITRE VIII.


Autant les accusations sont utiles dans une république, autant les calomnies sont dangereuses.


Quoique Furius Camille, dont le courage avait affranchi Rome du joug des Gaulois, eût, par son mérite, forcé tous les citoyens à le reconnaître en quelque sorte pour leur supérieur, sans qu’ils crussent par là s’être rabaissés devant lui, cependant Manlius Capitolinus souffrait impatiemment qu’on attribuât à ce grand homme tant d’honneur et de gloire. Sauveur du Capitole, il pensait avoir contribué autant que Camille au