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Rome, à l’exemple de Sparte, pouvait bien établir un roi électif, un sénat peu nombreux ; mais elle ne pouvait, comme cette dernière ville, ne pas accroître le nombre de ses habitants, puisqu’elle voulait obtenir une vaste domination ; alors un roi nommé à vie et le petit nombre de sénateurs auraient été d’un faible secours pour maintenir l’union parmi les citoyens.

Si donc quelqu’un voulait de nouveau fonder une république, il devrait examiner si son dessein est qu’elle puisse, comme Rome, accroître son empire et sa puissance, ou s’il désire qu’elle demeure renfermée dans de justes limites. Dans le premier cas, il doit l’organiser comme Rome, et laisser les désordres et les dissensions générales suivre leur cours de la manière qui paraît la moins dangereuse. Or, sans une population nombreuse et nourrie dans les armes, jamais une république ne pourra s’accroître ou se maintenir au point où elle sera parvenue.

Dans le dernier cas, on peut lui donner la constitution de Sparte ou de Venise ; mais, comme pour les républiques de cette espèce, la soif de s’agrandir est un poison, celui qui les fonde doit, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, leur interdire les conquêtes ; car toute conquête qui n’est soutenue que par un État faible finit par en causer la ruine : Sparte et Venise en sont un exemple éclatant. La première, après avoir soumis presque toute la Grèce, montra, au premier revers, sur quels faibles fondements sa puissance était assise ; car, après la révolte de Thèbes, excitée par Pélopidas, toutes les autres villes, en se soulevant, renversèrent cette république. Venise également s’était rendue maîtresse d’une grande partie de l’Italie, mais plutôt par ses richesses et sa politique que par ses armes. Lorsqu’elle voulut faire l’épreuve de ses forces, elle perdit dans un seul combat tous les États qu’elle possédait.

Je croirais volontiers que, pour établir une république