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Rome, que, quoiqu’elle passât de la royauté et de l’aristocratie au gouvernement populaire, en suivant les gradations amenées par les mêmes causes que nous avons développées, cependant on n’enleva point au pouvoir royal toute l’autorité pour la donner aux grands ; on n’en priva point non plus les grands en faveur du peuple ; mais l’équilibre des trois pouvoirs donna naissance à une république parfaite. Toutefois cette perfection n’eut sa source que dans la désunion du peuple et du sénat, comme nous le ferons voir amplement dans les deux chapitres suivants.



CHAPITRE III.


Des événements qui amenèrent à Rome la création des tribuns, dont l’institution perfectionna le gouvernement de la république.


Ainsi que le démontrent tous ceux qui ont traité de la politique, et les nombreux exemples que fournit l’histoire, il est nécessaire à celui qui établit la forme d’un État et qui lui donne des lois de supposer d’abord que tous les hommes sont méchants et disposés à faire usage de leur perversité toutes les fois qu’ils en ont la libre occasion. Si leur méchanceté reste cachée pendant un certain temps, cela provient de quelque cause inconnue que l’expérience n’a point encore dévoilée, mais que manifeste enfin le temps, appelé, avec raison, le père de toute vérité.

Après l’expulsion des Tarquins, il semblait que la plus grande concorde régnât entre le peuple et le sénat, et que les nobles, se dépouillant de leur orgueil, eussent revêtu une âme plébéienne qui les rendait supportables même aux dernières classes de la population. Cette union apparente dura, sans que l’on en connût la cause, tant que les Tarquins vécurent. La noblesse, qui les redoutait, craignait également que le peuple, si elle l’offensait, ne se