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bien de contraintes les lois établies par Romulus, par Numa et par d’autres législateurs, asservirent le peuple : aussi, ni la fertilité du sol, ni la commodité de la mer, ni les fréquentes victoires, ni la grandeur même de l’empire, ne purent, dans le cours de plusieurs siècles, corrompre ses mœurs, et Rome vit fleurir dans son sein toutes ces vertus dont jamais nulle autre république ne fut ornée plus qu’elle.

Et comme les grandes choses qu’elle a opérées, et qu’a célébrées Tite-Live, ont été la suite de délibérations publiques ou particulières, qu’elles eurent lieu dans le sein de la cité, ou au dehors, je commencerai à parler de ce qui s’est passé au dedans par suite de délibérations publiques, m’arrêtant à ce que je jugerai le plus digne d’attention, et y ajoutant toutes les circonstances qui en dépendent. Ce sera l’objet des discours de ce premier livre, ou plutôt de cette première partie



CHAPITRE II.


Combien il y a de sortes de républiques, et de quelle espèce fut la république romaine.


Je m’abstiendrai de parler des villes dont l’origine est due à un autre État, et je parlerai seulement de celles dont les commencements furent libres de toute dépendance étrangère, et qui se sont immédiatement gouvernées d’après leur volonté, soit comme république, soit comme monarchie, et qui, à raison de cette double origine, ont eu une législation et une constitution différentes. Les unes, dès le moment de leur naissance ou peu de temps après, ont reçu leurs lois des mains d’un seul homme, et en une seule fois, telles que les donna Lycurgue à Lacédémone. Les autres les ont reçues à diverses reprises, et selon les événements : telle fut Rome.

On peut appeler heureuse la république à qui le destin