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toutes choses, et sans songer au peuple, ménager et conserver leur affection.

J’excepte le Soudan, parce que ses États étant entièrement entre les mains des gens de guerre, il faut bien qu’il se concilie leur amitié, sans s’embarrasser du peuple.

Remarquons, à ce propos, que l’État du Soudan diffère de tous les autres, et qu’il ne ressemble guère qu’au pontificat des chrétiens, qu’on ne peut appeler ni principauté héréditaire, ni principauté nouvelle. En effet, à la mort du prince, ce ne sont point ses enfants qui héritent et règnent après lui ; mais son successeur est élu par ceux à qui appartient cette élection ; et du reste, comme cet ordre de choses est consacré par son ancienneté, il ne présente point les difficultés des principautés nouvelles : le prince, à la vérité, est nouveau, mais les institutions sont anciennes, ce qui le fait recevoir tout comme s’il était prince héréditaire. Revenons à notre sujet.

Quiconque réfléchira sur tout ce que je viens de dire, verra qu’en effet la ruine des empereurs dont j’ai parlé eut pour cause la haine ou le mépris, et il comprendra en même temps pourquoi les uns agissant d’une certaine manière, et les autres d’une manière toute différente, un seul, de chaque côté, a fini heureusement, tandis que tous les autres ont terminé leurs jours d’une façon misérable. Il concevra que ce fut une chose inutile et même funeste pour Pertinax et pour Alexandre-Sévère, princes nouveaux, de vouloir imiter Marc-Aurèle, prince héréditaire ; et que, pareillement, Caracalla, Commode et Maximin se nuisirent en voulant imiter Sévère, parce qu’ils n’avaient pas les grandes qualités nécessaires pour pouvoir suivre ses traces.

Je dis aussi qu’un prince nouveau peut et doit, non pas imiter, soit Marc-Aurèle, soit Sévère, mais bien prendre, dans l’exemple de Sévère, ce qui lui est néces-