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par ses lieutenants, ainsi que dans toutes les parties de l’empire, des actes multipliés de rigueur. D’un côté, l’État, indigné de la bassesse de son origine, et, de l’autre, excité par la crainte qu’inspiraient ses barbaries, se souleva contre lui. Le signal fut donné par l’Afrique. Aussitôt le sénat et le peuple suivirent cet exemple, qui ne tarda pas à être imité par le reste de l’Italie. Bientôt à cette conspiration générale se joignit celle de ses troupes : elles assiégeaient Aquilée ; mais, rebutées par les difficultés du siège, lassées de ses cruautés, et commençant à le moins craindre depuis qu’elles le voyaient en butte à une multitude d’ennemis, elles se déterminèrent à le massacrer.

Je ne m’arrêterai maintenant à parler ni d’Héliogabale, ni de Macrin, ni de Didius Julianus, hommes si vils qu’ils ne firent que paraître sur le trône. Mais, venant immédiatement à la conclusion de mon discours, je dis que les princes modernes trouvent dans leur administration une difficulté de moins : c’est celle de satisfaire extraordinairement les gens de guerre. En effet, ils doivent bien, sans doute, avoir pour eux quelque considération ; mais il n’y a en cela nul grand embarras, car aucun de ces princes n’a les grands corps de troupes toujours subsistants, et amalgamés en quelque sorte par le temps avec le gouvernement et l’administration des provinces, comme l’étaient les armées romaines. Les empereurs étaient obligés de contenter les soldats plutôt que les peuples, parce que les soldats étaient les plus puissants ; mais aujourd’hui ce sont les peuples que les princes ont surtout à satisfaire. Il ne faut excepter à cet égard que le Grand Seigneur des Turcs et le Soudan.

J’excepte le Grand Seigneur, parce qu’il a toujours autour de lui un corps de douze mille hommes d’infanterie et de quinze mille de cavalerie ; que ces corps font sa sûreté et sa force, et qu’en conséquence il doit sur