Page:Œuvres poétiques complètes de Adam Mic̜kiewicz, tome 1, 1859.djvu/483

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sée. Nous voyons combien ce culte des jeunes années a profité au génie du poëte. Cet hymne révèle déjà l’essor lyrique qui plus tard devail pro duire l’Ode à la jeunesse et l’improvisation des Aieux ; c’est la même irrégularité de rhythmeet de pensée, le même délire pindarique, la même magnificence d’images. L’ode nous semble la mieux appropriée au talent de Mickiewicz, qui se refuse aux plans préconçus, aux effets combinés du drame ou du roman. Depuis cet hymne admirable, l’auteur a plané dans les airs d’une aile plus ferme et plus soutenue, mais jamais il ne s’est plus haut élevé.

51 Cette belle comparaison, ingénieusement soutenue pendant sept cou plets, n’est — ce point la profession de foi du jeune adepte de la société des Rayonnants, reproduite dans un age plus avancé ; la devise patriotique du philarète, devenue le thème d’une religieuse inspiration du chré tien ?

52 {{M.|Michel Podczaszynski, historien et littérateur distingué, trop tôt enlevé à sa patrie, a le premier imprimé cette poésie dans son Mémorial ; mais il a commis une erreur de date qu’il importe de rectifier. Ce n’est point le 1er novembre 1831 qu’elle fut composée, mais évidemment durant cette période de quatre mois qui suivit la révolution de juillet et précéda l’insurrection de novembre. Comment cette seule poésie a engendré toute ma traduction des œuvres de Mickiewicz, je l’ai raconté dans ma préface.

53 Cet événement eut lieu le 6 septembre 1831, vers huit heures du matin. Le poëte suppose qu’un adjudant, placé dans une batterie voisine de celle d’Ordon, a vu son héroïque défense, ainsi que le trait plus hé roïque qui la termine ; et qu’il en fait le récit à ses compagnons d’armes. « Je pointais un canon ; deux cents bronzes épars D’une trombe de feu foudroyaient nos remparts. Déjà les fils du Nord en colonnes sans nombre Autour de Varsovie étaient formés dans l’ombre ; Paskéwitch est leur chef : il accourt, à sa voix ] L’armée a replié son immense pavois.

Parmi les artilleurs, l’infanterie esclave S’avance lentement, comme un ruisseau de lave Semé de mille éclairs ; et, mesurant ses pas, L’aigle noir à deux fronts la conduit au trépas. Dominant cette mer et ce champ de victoire, Le fort du brave Ordon s’avance en promontoire ; Six canons dans ses flancs résonnent furieux : Et la rage est moins prompte en cris injurieux, Le ciel a moins d’éclairs que, durant la bataille, Ces bronzes n’ont vomi de flamme et de mitraille. Vois cet obus qui plonge au sein d’un bataillon ; Il laboure en tombant un lugubre sillon : Comme un volcan sous l’onde, il fume, siffle, tonne, Et d’une brèche immense entr’ouvre la colonne. Vois ce pesant boulet ; il roule, se débat, Mugit comme un taureau qu’irrite le combat : Ou, boa formidable, il bondit sur la plaine, Ecrasant de ses næuds, brûlant de son haleine. 37.