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Introduction


Lorsque Descartes est venu dire, dans la première partie du xviie siècle, qu’il n’y a que deux sortes de choses ou de substances dans la nature, les substances étendues et les substances pensantes, les corps et les esprits ; que, dans le corps, tout se ramène à l’étendue, avec toutes ses modifications : figure, divisibilité, repos et mouvement ; et, dans l’âme, à la pensée, avec tous ses modes : plaisir, douleur, jugement, raisonnement, volonté, etc. ; lorsqu’il a réduit enfin toute la nature à un vaste mécanisme, en dehors duquel il n’y a que l’âme, qui se manifeste à elle-même son existence et son indépendance dans la conscience de sa pensée, il a accompli la plus importante révolution de la philosophie moderne. Mais, pour en bien comprendre la grandeur, il faut se rendre compte de l’état où était la philosophie du temps.

La théorie qui régnait alors dans toutes les écoles était la théorie péripatéticienne, assez mal comprise, et altérée par le temps, des formes substantielles. Elle consistait à admettre dans chaque espèce de substances une sorte d’entité spéciale qui en constituait la réalité et la différence, indépendamment de la disposition des parties. Par exemple, suivant un péripatéticien du temps, « le feu diffère de Peau, non seulement par la situation de ses parties, mais par une entité qui lui