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J’ai supposé que les images des choses sont portées par les organes des sens dans le sensorium, où l’âme les aperçoit. On soutient que c’est une chose inintelligible ; mais on n’en donne aucune preuve.

Touchant cette question, savoir si une substance immatérielle agit sur une substance matérielle, ou si celle-ci agit sur l’autre, voyez ci-dessous, § 110-16.

Dire que Dieu aperçoit et connaît toutes choses, non par sa présence actuelle, mais parce qu’il les produit continuellement de nouveau ; ce sentiment, dis-je, est une pure fiction des scholastiques, sans aucun fondement.

Pour ce qui est de l’objection, qui porte que Dieu serait l’âme du monde, j’y ai répondu amplement ci-dessus, Réplique II, § 12, et Réplique IV, § 32.

92. L’auteur suppose que tous les mouvements de nos corps sont nécessaires et produits par une simple impulsion mécanique de la matière, tout à fait indépendante de l’âme ; mais je ne saurais m’empêcher de croire que cette doctrine conduit à la nécessité et au destin. Elle tend à faire croire que les hommes ne sont que de pures machines (comme Descartes s’était imaginé que les bêtes n’avaient point d’âmes) ; en détruisant tous les arguments fondés sur les phénomènes, c’est-à-dire sur les actions des hommes, dont on se sert pour prouver qu’ils ont des âmes, et qu’ils ne sont pas des êtres purement matériels. Voyez ci-dessous, sur § 110-116.

93. 94, 95. J’avais dit que chaque action consiste à donner une nouvelle force aux choses, qui reçoivent quelque impression. On répond à cela que deux corps durs et égaux, poussés l’un contre l’autre, rejaillissent avec la même force ; et que par conséquent leur action réciproque ne donne point une nouvelle force. Il suffirait de répliquer qu’aucun de ces deux corps ne rejaillit avec sa propre force ; que chacun d’eux perd sa propre force, et qu’il est repoussé avec une nouvelle force communiquée par le ressort de l’autre : car si ces deux corps n’ont point de ressort, ils ne rejailliront pas. Mais il est certain que toutes les communications de mouvement purement mécaniques ne sont pas une action, à parler proprement ; elles ne sont qu’une simple passion, tant dans les corps qui poussent que dans ceux qui sont poussés. L’action est le commencement d’un mouvement qui n’existait point auparavant, produit par un principe de vie ou d’activité : et si Dieu ou l’homme, ou quelque agent vivant ou actif, agit sur quelque partie du monde matériel, si tout