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dire aux qualités occultes scholastiques, qu’on commence à nous débiter sous le spécieux nom de forces, mais qui nous ramènent dans le royaume des ténèbres. C’est, inventa fruge, glandibus vesci.

114. Du temps de M. Boyle, et d’autres excellents hommes qui froissaient en Angleterre sous les commencements de Charles II, on n’aurait pas osé nous débiter des notions si creuses. J’espère que ce beau temps reviendra sous un aussi bon gouvernement que celui qu’à présent, et que les esprits un peu trop divertis par le malheur des temps retourneront à mieux cultiver les connaissances solides. Le capital de M. Boyle était d’inculquer que tout se faisait mécaniquement dans la physique. Mais c’est un malheur des hommes de se dégoûter enfin de la raison même, et de s’ennuyer de la lumière. Les chimères commencent à revenir et plaisent, parce qu’elles ont quelque chose de merveilleux. Il arrive dans le pays philosophique ce qui est arrivé dans le pays poétique. On s’est lassé des romans raisonnables, tels que la Clélie française, ou l’Amène allemande ; et on est revenu depuis quelque temps aux contes des fées.

145. Quant aux mouvements des corps célestes, et, plus encore, quant à la formation des plantes et des animaux, il n’y a rien qui tienne du miracle, excepté le commencement de ces choses. L’organisme des animaux est un mécanisme qui suppose une préformation divine ; ce qui en suit est purement naturel et tout à fait mécanique.

116. Tout ce qui se fait dans le corps de l’homme, et de tout animal, est aussi mécanique que ce qui se fait dans une montre. La différence est seulement telle qu’elle doit être entre une machine d’une invention divine, et entre la production d’un ouvrier aussi borné que l’homme.

Sur le § 44.

117. Il n’y a point de difficulté chez les théologiens, sur les miracles des anges ; il ne s’agit que de l’usage du mot. On pourra dire que les anges font des miracles, mais moins proprement dits ou d’un Ordre inférieur. Disputer la-dessus serait une question de nom. On pourra dire que cet ange, qui transportait Habacue par les airs, qui remuait le lac de Bethzaïda, faisait un miracle ; mais ce n’était pas un miracle du premier rang, car il est explicable par les forces naturelles des anges, supérieures aux nôtres.