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Sur les §§ 16 et 17.

64. Je crois avoir répondu à tout, et j’ai répondu particulièrement à cette objection, qui prétend que l’espace et le temps ont une quantité, et que l’ordre n’en a point. (Voyez ci-dessus, no 54.)

65. J’ai fait voir clairement que la contradiction est dans l’hypothèse du sentiment opposé, qui cherche une différence là où il n’y en a point. Et ce serait une iniquité manifeste d’en vouloir inférer que j’ai reconnu de la contradiction dans mon propre sentiment.

Sur le § 18.

66. Il revient ici un raisonnement que j’ai déjà détruit ci-dessus, no 17. On dit que Dieu peut avoir de bonnes raisons pour placer deux cubes parfaitement égaux et semblables ; et alors il faut bien, dit-on, qu’il leur assigne leurs places, quoique tout soit parfaitement égal ; mais la chose ne doit point être détachée de ses circonstances. Ce raisonnement consiste en notions incomplètes. Les résolutions de Dieu ne sont jamais abstraites et imparfaites ; comme si Dieu décernait premièrement a créer les deux cubes, et puis décernait à par où les mettre. Les hommes, bornés comme ils sont, sont capables de procéder ainsi ; ils résoudront quelque chose, et puis ils se trouveront embarrassés sur les moyens, sur les voies, sur les places, sur les circonstances. Dieu ne prend jamais une résolution sur les fins, sans en prendre en même temps sur les moyens et sur toutes les circonstances. Et même j’ai montré, dans la Théodicée, qu’à proprement parler il n’y a qu’un seul décret dans l’univers tout entier, par lequel il est résolu de l’admettre de la possibilité à l’existence. Ainsi Dieu ne choisira point de cube, sans choisir sa place en même temps ; et il ne choisira jamais entre des indiscernables.

67. Les parties de l’espace ne sont déterminées et distinguées que par les choses qui y sont : et la diversité des choses dans l’espace détermine Dieu à agir différemment sur différentes parties de l’espace. Mais l’espace, pris sans les choses n’a rien de déterminant, et même il n’est rien d’actuel.

68. Si Dieu est résolu de placer un certain cube de matière, il s’est aussi déterminé sur la place de ce cube ; mais c’est par rapport à d’autres portions de matière, et non pas par rapport à l’espace détaché, où il n’y a rien de déterminant.