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les propriétés, les causes et les effets du mouvement, cette considération lui sert à faire voir la différence qu’il y a entre le mouvement réel ou le transport d’un corps qui passe d’une partie de l’espace dans une autre, et le mouvement relatif, qui n’est qu’un changement de l’ordre ou de la situation des corps entre eux. C’est un argument mathématique qui prouve par des effets réels qu’il peut y avoir un mouvement réel où il n’y en a point de relatif ; et qu’il peut y avoir un mouvement relatif où il n’y en a point de réel : c’est, dis-je, un argument mathématique auquel on ne répond pas, quand on se contente d’assurer le contraire.

14. La réalité de l’espace n’est pas une simple supposition : elle a été prouvée par les arguments rapportés ci-dessus, auxquels on n’a point répondu. L’auteur n’a pas répondu non plus à un autre argument, savoir que l’espace et le temps sont des quantités ; ce qu’on ne peut dire de la situation et de l’ordre.

15. Il n’était pas impossible que Dieu fit le monde plus tôt ou plus tard qu’il ne l’a fait. Il n’est pas impossible non plus qu’il le détruise plus tôt ou plus tard, qu’il ne sera actuellement détruit. Quant à la doctrine de l’éternité du monde, ceux qui supposent que la matière et l’espace sont la même chose doivent supposer que le monde est non seulement infini et éternel, mais encore que son immensité et son éternité sont nécessaires, et même aussi nécessaires que l’espace et la durée, qui ne dépendent pas de la volonté de Dieu, mais de son existence. Au contraire, ceux qui croient que Dieu a crée la matière en telle quantité, en tel temps et en tels espaces qu’il lui a plu, ne se trouvent embarrassés d’aucune difficulté. Car la sagesse de Dieu peut avoir eu de très bonnes raisons pour créer ce monde dans un certain temps : elle peut avoir fait d’autres choses avant que ce monde fût créé ; et elle peut faire d’autres choses après que ce monde sera détruit.

16 et 17. J’ai prouvé ci-dessus que l’espace et le temps ne sont pas l’ordre des choses, mais des quantités réelles ; ce qu’on ne peut dire de l’ordre et de la situation. Le savant auteur n’a pas encore répondu à ces preuves ; et à moins qu’il n’y réponde, ce qu’il dit est une contradiction, comme il l’avoue lui-même ici.

18. L’uniformité de toutes les parties de l’espace ne prouve pas que Dieu ne puisse agir dans aucune partie de l’espace de la manière qu’il le veut. Dieu peut avoir de bonnes raisons pour créer des êtres finis ; et des êtres finis ne peuvent exister qu’en des lieux