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feuilles entièrement semblables. Mme  l’Électrice l’en défia, et il courut longtemps en vain pour en chercher. Deux gouttes d’eau ou de lait, regardées par le microscope, se trouveront discernables. C’est un argument contre les atomes, qui ne sont pas moins combattus que le vide, par les principes de la véritable métaphysique.

5. Ces grands principes de la raison suffisante et de l’identité des indiscernables changent l’état de la métaphysique, qui devient réelle et démonstrative par leur moyen : au lieu qu’autrefois-elle ne consistait presque qu’en termes vides.

6. Poser deux choses indiscernables est poser la même chose sous deux noms. Ainsi l’hypothèse, que l’univers aurait eu d’abord une autre position du temps et du lieu, que celle qui est arrivée effectivement, et que pourtant toutes les parties de l’univers auraient eu la même position entre elles, que celle qu’elles ont reçue en effet, est une fiction impossible.

7. La même raison qui fait que l’espace hors du monde est imaginaire prouve que tout espace vide est une chose imaginaire ; car ils ne diffèrent que du grand au petit.

8. Si l’espace est une propriété ou un attribut, il doit être la propriété de quelque substance. L’espace vide borné, que ses patrons supposent entre deux corps, de quelle substance sera-t-il la propriéte ou l’affection ?

9. Si l’espace infini est l’immensité, l’espace fini sera l’opposé de l’immensité, c’est-à-dire la mensurabilité ou l’étendue bornée. Or, l’étendue doit être l’affection d’un étendu. Mais si cet espace est vide, il sera un attribut sans sujet, une étendue d’aucun étendu. C’est pourquoi, en faisant de l’espace une propriété, l’on tombe dans mon sentiment qui le fait un ordre des choses, et non pas quelque chose d’absolu.

10. Si l’espace est une réalité absolue, bien loin d’être une propriété où accidentalité opposée à la substance, il sera plus subsistant que les substances. Dieu ne le saurait détruire, ni même changer en rien. Il est non seulement immense dans le tout, mais encore immuable et éternel en chaque partie. Il y aura une infinité de choses éternelles hors de Dieu.

11. Dire que l’espace infini est sans parties, c’est dire que les espaces finis ne le composent point ; et que l’espace infini pourrait subsister, quand tous, les espaces finis seraient réduits à rien, ce serait comme si l’on disait, dans la supposition cartésienne d’un