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quantité de questions semblables, qui font une grande séparation.

17. Les théologiens ne demeureront point d’accord de la thèse qu’on avance contre moi, qu’il n’y a point de différence par rapport à Dieu, entre le naturel et le surnaturel. La plupart des philosophes l’approuveront encore moins. Il y a une différence infinie ; mais il paraît bien qu’on ne l’a pas considérée. Le surnaturel surpasse toutes les forces des créatures. Il faut venir a un exemple ; en voici un que j’ai souvent employé avec succès : si Dieu voulait faire en sorte qu’un corps libre se promenât dans l’éther en rond, à l’entour d’un certain centre fixe, sans que quelque autre créature agit sur lui ; je dis que cela ne se pourrait que par miracle, n’étant pas explicable par les natures des corps. Car un corps libre s’écarte naturellement de la ligne courbe par la tangente. C’est ainsi que je soutiens que l’attraction, proprement dite, des corps est une chose miraculeuse, ne pouvant pas être expliquée par la nature.


Troisième réplique de M.  Clarke.

1. Ce que l’on dit ici ne regarde que la signification de certains mots. On petit admettre les définitions que l’on trouve ici ; mais cela n’empêchera pas qu’on ne puisse appliquer les raisonnements mathématiques à des sujets physiques et métaphysiques.

2. Il est indubitable que rien n’existe sans qu’il y ait une raison suffisante de son existence ; et que rien n’existe d’une certaine manière plutôt que d’une autre, sans qu’il y ait aussi une raison suffisante de cette manière d’exister. Mais à l’égard des choses qui sont indifférentes en elles-mêmes, la simple volonté est une raison suffisante pour leur donner l’existence, ou pour les faire exister d’une certaine manière ; et cette volonté n’a pas besoin d’être déterminée par une cause étrangère. Voici des exemples de ce que je viens de dire. Lorsque Dieu a créé ou placé une particule de matière dans un lieu plutôt que dans un autre, quoique tous les lieux soient semblables, il n’en a eu aucune autre raison que sa volonté. Et supposé que l’espace ne fût rien de réel, mais seulement un simple ordre des corps, la volonté de Dieu ne laisserait pas d’être la seule possible raison pour laquelle trois particules égales auraient été placées ou rangées dans l’ordre A, B, C, plutôt que dans un ordre contraire. On ne saurait donc tirer de cette indifférence des lieux aucun argument, qui prouve qu’il n’y a point d’espace réel, car les différents